E6-J36

retour

suivant

	Du bivouac à Mantet jusqu'au Col de Mantet Mardi 3 août 2010, nous émergeons de notre sommeil avant les premières lueurs de l’aube. Les mêmes rituels s’enchaînent : démonter la tente, prendre notre petit-déjeuner. L'atmosphère est lourde, la fatigue s'est accumulée, le stress et les douleurs aux pieds ont eu raison de notre bonne humeur. Il est temps de quitter cet endroit pour explorer de nouveaux horizons ! Nous levons le camp à 6h10 et commençons notre ascension vers le charmant petit village de Mantet qui, à cette heure matinale, est encore endormi. Une fois le village derrière nous, nous nous lançons à l'assaut du Col de Mantet et de ses 200 mètres de dénivelé, une excellente occasion de chauffer nos muscles pour la journée à venir.

Du Col de Mantet à Py Arrivés au Col de Mantet, nos regards sont immédiatement captivés par la silhouette imposante du Canigou qui domine avec grandeur et majesté l'ensemble des Pyrénées orientales. Nous sommes émerveillés devant tant de splendeur, et l’absence du soleil, encore caché derrière cette masse imposante, rend le tableau encore plus saisissant. Nous ressentons un bonheur intense, conscients que cette journée sera celle où nous, les deux "compères", allons nous mesurer à ce géant. La descente en direction du village de Py n’offre pas de particularités majeures. Néanmoins, nous apprécions la fraîcheur offerte par l’ombre dense de la forêt, tout en regrettant la longue portion de route goudronnée qui s'étire devant nous. Conscients des prévisions météorologiques annonçant un risque d'orages en fin d'après-midi sur les reliefs montagneux, nous accélérons le pas, la leçon de la nuit précédente encore fraîche dans nos mémoires. Nous le décidons donc : cette nuit, nous trouverons refuge et sécurité à la cabane de Bonne-Aigue.

	De Py au Col de Jou  Descendant à 939m d'altitude, nous atteignons notre point le plus bas depuis quatre jours. Plus étendu que ce que nous avions imaginé, le petit village de Py est baigné dans une tranquillité matinale à 8h00, les rues sont désertes et pas une boutique n’est ouverte. Nous ne nous attardons donc pas et reprenons notre chemin. La montée vers le Col de Jou se révèle être un agréable mélange de diversités : nous traversons des chemins forestiers, franchissons des éboulis et longeons des balcons rocheux… Arrivés au col dans les temps, nous sommes ravis de constater que la météo se maintient stable, même si nous ne nous faisons pas d'illusions, conscients qu'une dégradation orageuse pourrait encore venir perturber notre soirée. Mais cela ne nous arrête pas, nous sommes déterminés à avancer.

Du Col de Jou au Refuge de Mariailles La montée impressionnante vers le gîte d'étape de Mariailles se démarque comme l'une des plus belles et originales ascensions sur le parcours du GR10. Le sentier emprunte fréquemment un chemin qui suit un canal d'irrigation, offrant une sensation rafraîchissante particulièrement bienvenue en cette journée chaude et humide. Après 5h30 d'un effort soutenu depuis Mantet, nous arrivons enfin au refuge. Nous avions initialement envisagé de camper à proximité du refuge, mais il apparaît clairement que les conditions météorologiques ne se sont pas dégradées autant que nous le craignions. Certes, il y a quelques cellules orageuses à l'horizon, mais elles semblent localisées et ne se dirigent pas vers nous. Forts de ce constat, nous prenons la décision audacieuse de continuer notre périple en direction du refuge de Bonne-Aygue. C’est un pari risqué : il nous reste encore plusieurs heures de marche pour atteindre le refuge, sans aucune possibilité de faire demi-tour ni de trouver un abri en cas d’orage soudain.

	Du Refuge de Mariailles au Col de Segalès Il est 13h00 quand nous prenons la route vers Bonne-Aygue, conscients du choix audacieux que nous venons de faire. Si la météo venait à se détériorer, nous pourrions amèrement regretter cette fin de journée. Nous estimons avoir besoin d’environ 5 à 6 heures de calme pour parcourir les kilomètres restants. Avec un rythme soutenu, nous suivons le magnifique sentier qui grimpe vers le sommet de l'impressionnant pic. Entre les bois de résineux et les paysages féériques, nos sens sont en éveil. Nous sommes submergés par la beauté qui nous entoure, absorbant les vues à couper le souffle et les arômes enivrants de la nature. Nous profitons pleinement de chaque instant, conscients de la chance que nous avons de vivre une telle aventure.

De la Montée du Col de Segalès au Col de la Jasse d’en Vernet Une heure et demie plus tard, nous atteignons le Col de Segalès. Les cumulonimbus imposants et menaçants s’élèvent parfois très haut dans le massif montagneux au sud, nous laissant perplexes quant à l'évolution de notre journée. La perspective d'une journée compliquée commence à germer dans nos esprits. Le sentier qui nous mène à la cabane de Bonne-Aygue se faufile le long du flanc de la montagne, épousant les courbes du relief. Par moments, le paysage s'ouvre sur des vues à couper le souffle, parfois plongeantes et vertigineuses, offrant une des portions les plus spectaculaires du GR10 de notre périple. Au fur et à mesure que nous avançons, en fonction de notre rythme et de notre progression, nous sentons la tension s’apaiser. Les dieux de la montagne semblent veiller sur nous. Les imposants nuages menaçants venus du sud se sont éparpillés, dissipant la menace orageuse. Nous réalisons avec soulagement et gratitude qu'il n’y aura pas d’orage ici, ce soir.

	Du Col de la Jasse d’en Vernet à la Cabane de Bonne-Aygue Cette étape s'avère particulièrement éprouvante et interminable. Notre ressenti face à cette difficulté est indéniablement influencé par notre état d'épuisement, tant physique que mental. Enfin arrivés au refuge, un profond soulagement nous envahit. Nous faisons alors la rencontre d’un autre randonneur sur le GR10, Gabriel. Parti d'Hendaye il y a 45 jours, nous l'avions déjà croisé sur notre chemin quelques jours auparavant. Malheureusement, Gabriel décide, ce soir-là, de mettre un terme à son aventure. Il se trouve à bout psychologiquement et souffre d’une douleur persistante au pied. Son récit nous laisse à la fois impressionnés et contemplatifs. Comme lui, nous aurions rêvé de pouvoir réaliser cette longue traversée d'une seule traite.

Au Refuge de Bonne-Aygue Ce soir, nous sommes les seuls à avoir élu domicile dans ce refuge. Cela nous offre l'opportunité d'apprécier pleinement l'endroit et tout ce qu'il a à offrir. Au menu : un apéritif exceptionnel à 1700 mètres d'altitude, agrémenté d'une vue époustouflante plongeant sur Vernet-les-Bains. Le panorama qui s'étend devant nos yeux est tout simplement extraordinaire, et le coucher de soleil qui l'accompagne, magnifique. C'est incontestablement l'une des plus belles soirées en refuge que nous ayons vécue depuis le début de notre aventure. Alors que la nuit tombe, la sérénité du lieu et la beauté du paysage nous enveloppent, nous laissant dans un état de quiétude et de gratitude. Nous partageons des histoires, des rires, et savourons chaque instant de cette soirée unique. Tandis que les dernières lueurs du jour disparaissent à l'horizon, nous nous préparons pour une nuit de repos bien méritée. Le refuge, avec ses murs solides et son toit protecteur, devient notre havre de paix au milieu de la montagne. Nous nous sentons chanceux d'avoir vécu une journée aussi riche en émotions et en beauté naturelle. Demain, une nouvelle étape nous attend, mais pour l'instant, nous nous endormons avec le cœur léger et l'esprit apaisé, bercés par le silence et la magie de la montagne.